
A l’école il y a : les mères qui travaillent, les mères qui ne travaillent pas et les nounous dont la place est celle du chaînon manquant.
Les mères qui travaillent disent qu’elles aimeraient moins travailler mais qu’elles ne peuvent rien y changer à cause des prix de l’immobilier et pour leur indispensable sociabilité. Les mères qui ne travaillent pas disent qu’elles aimeraient travailler mais elles se drapent dans leur maternité et leurs obligations de femmes mariées pour expliquer qu’elles ne peuvent rien y changer.
Entre les deux, les nounous de mon quartier restent au foyer comme les mères qui ne travaillent pas, tout en prenant en charge de 8h à 17h pour 4,11€ net par enfant de l’heure plus les indemnités et les congés payés, la maternité des mères qui travaillent.
Les mères qui travaillent gagnent plus que 4,11€ de l’heure plus les indemnités, les congés payés et les temps de trajet, car sinon elles cesseraient de travailler. Elles sont donc diplômées.
Les nounous et les mères qui travaillent ont en commun d’avoir un salaire et des ambitions immobilières.
Les nounous et les mères qui ne travaillent pas ont en commun de ne pas quitter leurs pénates et d’être fières de leurs compétences domestiques et culinaires.
Les mères diplômées qui travaillent ne peuvent pas être sans faille. Il faut équilibrer. L’hypertrophie de la partie diplômée de leur cerveau doit forcément avoir bouffé la place d’autres compétences dans leur boîte crânienne puisque celle-ci est visiblement de taille normale.
En tant que mère diplômée, il est donc admis que je fais mal la cuisine. Aucune preuve, démonstration, contre exemple n’est demandé et ne pourrait là non plus rien y changer. C’est ce qu’on appelle en mathématiques un postulat : aussi vrai que deux droites parallèles non confondues ne se rencontrent jamais. C’est-à-dire que ce n’est pas universellement vrai et que ça peut même être faux puisque dans un dessin en perspective deux droites parallèles non confondues se rencontrent au point de fuite, mais c’est une assertion fondamentale sur laquelle se construit un système acceptable par tous sur un plan dénué de toute perspective. Au collège deux droites parallèles non confondues ne se rencontrent pas. Dans mon quartier une mère « française » diplômée ne sait pas cuisiner.
Il en va de l’obligation physiologique susdite, mais aussi du fait que pour les nounous et les femmes au foyer de mon quartier, la cuisine française ce n’est pas la gastronomie étoilée mondialement renommée que vous imaginez, c’est LA BOUFFE DE LA CANTINE.
Vous pensez Vatel, Michelin et Top chef ? Mes voisines pensent ravioli en boîte, légumes surgelés mollissant dans la béchamel et bourguignon gélatineux sous vide nageant dans une sauce aux épaississants chimiques. Les traditions culinaires séculaires que vous croyiez incontestées se résument, pour ces bonnes mères, aux bouillies fadasses de la restauration scolaire.
La gastronomie française est aussi étrangère et inimaginable à ces mères, que la cantine l’est à nos dirigeants qui annoncent dans tous les médias le déjeuner des écoliers à un euro comme un progrès social et une nouveauté. Ils paraissent ignorer que de nombreuses familles vivant à moins de 10 km du palais présidentiel paient le plateau quotidien de la tambouille des réfectoires moins cher que l’euro qui n’est symbolique que vu depuis leurs somptueux bureaux.
Il faut mettre des épices me disent les mères des copines de ma fille.
Et pourquoi mon Fils le Petit mange-t-il si bien chez sa nounou ? Parce qu’il y a des épices me dit-elle.
Le chou fleur ? En tajine avec des épices.
Les carottes râpées ? Assaisonnées à l’orientale avec des épices.
Les lentilles ? Les pois cassés ? En ragoût, en purées, avec des épices.
Chaque soir je ramène à la maison un bébé repu, benaise*, et épicé. Le week-end à la maison, quand avec appétit il finit son assiette, mon mari me demande : « Tu avais mis des épices ? »
Croyez que si je n’avais pas envie de rire, les épices m’en pourraient monter au nez.
*Benaise (charentais) : Bien aise. Heureux, repu.
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